Smartbooks

Cet appareil, le smartphone, est indubitablement le grand oublié de l’édition. Or, à moyen terme, il deviendra l’un des principaux vecteurs de croissance du livre numérique. Et pas seulement parce qu’une part non négligeable des smartphones vendus aujourd’hui disposent d’écrans toujours plus grands et confortables (les fameux « phablets »), mais aussi parce que c’est l’appareil (potentiel) de lecture le plus répandu dans le monde, très loin devant la tablette et la liseuse.

Le problème est que nous n’y portons pas vraiment attention alors que, dans le même temps, les développeurs d’apps cherchent à toujours plus adapter leur solution aux usages du téléphone intelligent. Pour le livre numérique, le téléphone ne serait presque qu’une contrainte aujourd’hui : c’est à peine si nous cherchons à fournir la meilleure expérience de lecture possible sur ce type d’appareil. La réalité est que nous ne songeons quasiment même pas à le prendre en compte quand nous créons des livres. Même Apple, avec son format iBooks Author, oublie très largement le smartphone, ce format n’étant en effet pas lisible sur iPhone et iPod.

C’est une énorme erreur.

Nous perdons là une occasion précieuse, nous refusons juste de nous adapter afin de profiter d’un marché gigantesque.

Bien évidemment, il peut paraître saugrenu de lire un ouvrage de 200 ou 300 pages sur l’écran d’un téléphone ; le livre numérique sera donc toujours inadapté à cet appareil. La conclusion est plus que logique… et nous n’osons malheureusement pas la refuser.

Nous ne cherchons pas les moyens d’inviter les utilisateurs de smartphone à lire sur leur écran. Nous refusons de repenser le livre numérique pour les usages, les spécificités et les contraintes de ce type d’appareil. Autrement dit, nous ne nous demandons pas ce que pourrait être un « smartbook ». Nous nous résignons à abandonner ce marché sans même l’avoir exploré — on lit sur son téléphone par défaut, parce qu’on ne peut pas faire autrement.

Certes, il existe actuellement une frénésie autour du format court, très « compatible » avec la lecture sur smartphone (dans les transports, dans une file d’attente, sur un banc, etc.) mais ce n’est pas un format pensé spécifiquement pour le petit écran. C’est seulement sa longueur qui rend involontairement voire accidentellement la lecture plus confortable sur ce petit écran.

Et si nous nous intéressions à un autre enfant terrible de l’édition numérique, ce genre que nous n’avons pas encore réussi à pleinement intégrer dans l’économie numérique : la non-fiction ?

Ce type de livre pourrait particulièrement s’accorder aux usages du smartphone. Pourtant, nous ne regardons que vers l’enrichissement aujourd’hui et les éditeurs et créateurs d’outils (inkling et vook par exemple) ne cherchent qu’à rendre l’enrichissement de livres existants plus aisée, moins technique.1

Il suffit d'un système interne de navigation ou presque

Alors que pourrait bien être un smartbook ?

Un livre utilitaire, un livre-outil bénéficiant d’un système de navigation interne simple et efficace, dont la longueur ne dépasse pas la centaine de pages, ce qui permet de le rendre abordable, à l’instar des apps. Il peut intégrer audio, vidéo et interactivité, bien que ces enrichissements ne soient pas obligatoires.2

Le smartbook part du principe extrêmement basique que l’utilisateur a besoin de…

  • J’ai besoin de me divertir dans la ville dans laquelle je me trouve.
  • J’ai besoin d’indications pour finir le jeu auquel je joue sur ma console ou mon ordinateur.
  • J’ai besoin qu’on m’explique comment réparer quelque chose.
  • J’ai besoin d’une information.
  • J’ai besoin qu’on m’explique comment m’améliorer dans la pratique de mon hobby.
  • J’ai besoin de réviser quelque chose avant un examen.
  • J’ai besoin d’encore plus.

C’est pour cette raison que la lecture non linéaire et l’usage de la recherche doivent être encouragés voire promus par le designer du livre, qui doit alors considérer le contenu comme un hybride entre livre et (mini) base de données. Il doit tout simplement repenser la façon dont il présente l’information, en s’inspirant du web, le livre numérique entrant plus ou moins directement en concurrence avec celui-ci à cette occasion — Google en particulier. Aussi, le smartbook doit pouvoir compter sur sa pertinence : les bonnes informations ne sont pas noyées dans un océan de résultats (plusieurs milliers de pages), elles sont directement détectables dans la table des matières ou via une simple recherche.

C'est ce que nous avons tenté d'expérimenter avec Le b.a.-ba. du livre numérique.

C’est ce que nous avons tenté d’expérimenter avec Le b.a.-ba. du livre numérique.

Et il n’y a pas besoin d’une app pour cela, ce n’est qu’un travail d’édition : on crée du contenu de qualité, on le lie (hyperlien). Rien de plus, rien de moins. La valeur ajoutée pour les utilisateurs de smartphone se situe dans l’adaptation du livre numérique (longueur, système de navigation, prix) aux usages communs de ces appareils. Et ce faisant, ces livres seront bien évidemment adaptés aux liseuses et tablettes puisqu’on pourra alors travailler sur le concept d’amélioration progressive


  1. Même chose avec le fixed layout pour lequel, encore une fois, on vise seulement à rendre la conversion à l’identique plus facile, rapide et économique au lieu d’admettre que cela ne fonctionne pas sur les écrans de téléphones et de tablettes 7” sans mener de réflexion sur les adaptations à effectuer pour offrir la meilleure expérience de lecture possible.
  2. D’autant que cela coûte cher à produire.