Troisième partie de la série « Production de Livre numérique ». À venir, « Manifeste pour un (vrai) design du livre numérique ».
Nous allons faire simple pour ce billet qui n’est finalement qu’une liste synthétique de quelques erreurs courantes auxquelles on ne pense pas avant de les avoir faites. Notez quand même que je me permettrai quelques remarques histoire de justifier mon salaire (qui est de zéro euro, je tiens à le rappeler). Heureusement, ce sont des erreurs qui restent très très simples à éviter.
J’ai décidé de ne pas inclure l’erreur fixed-layout au lieu de reflowable text que j’ai couverte dans cet article, ainsi que des points couverts dans cet article (notamment l’idée de penser son livre numérique comme une exacte conversion d’un livre papier). Et c’est parti pour la liste !
Adobe Digital Editions vous permettra de vérifier la qualité de votre fichier.
1) Ne pas corriger ni éditer
Ai-je réellement besoin d’approfondir ? Les coquilles sont inévitables. Même après 10 lectures, il y en aura toujours. Et puis, honnêtement, elles sont mêmes présentes dans le dernier Goncourt alors…
Ici, on parle plutôt de laisser reposer le texte et de ne surtout pas se laisser griser par l’idée de voir son livre numérique chez les revendeurs le plus tôt possible. Il y a toujours à améliorer, il y a toujours de meilleures façons d’exprimer une idée, il y a toujours des usages à vérifier et matière à creuser. Bien sûr, vous n’écrirez jamais le livre parfait, mais vous pouvez vous en rapprocher.
2) Ne pas vérifier son fichier avant distribution
Vérifier la qualité de votre fichier ne prendra qu’une petite heure, ce qui n’est rien à l’échelle du processus de fabrication d’un livre. Dans l’idéal, il vaudrait mieux le vérifier sur une liseuse ou une tablette. Dans le monde réel, le rendu peut très largement varier d’une liseuse à l’autre…
Bref, vérifiez au moins le formatage : chapitre qui débute sur une nouvelle page, saut de paragraphe correct, indentation, caractères gras et italiques, titres, table des matières, etc.
Pour Kindle, téléchargez Kindle Previewer, il vous permettra d’avoir un aperçu sur tous les appareils et apps Amazon (ndr : il vous permet aussi de convertir un EPUB dans le format Kindle). Pour les autres, Adobe Digital Editions fera l’affaire.
3) Organiser le contenu par couleurs
Ces derniers temps, j’ai vu beaucoup de livres dont les titres étaient rouges, les sous-titres bleus, etc. Et comme le tout passe sur iPad, ordinateurs et téléphones, autant en profiter, non ?
Eh bien… non (pour le moment en tout cas).
La raison est vraiment simple à comprendre : les liseuses ont des écrans en niveaux de gris, écrans qui ne sont même pas blancs mais qui tirent vers le gris-vert. Résultat, votre rouge devient gris clair sur gris-vert, votre bleu devient gris un peu plus foncé, etc. Bref, le tout devient difficilement lisible ; privilégiez la typographie.
Par contre, laissez vos photos en couleur.
À gauche, la couverture affichée sur le site Amazon.
À droite, la même couverture affichée sur Kindle.
4) Ne pas soigner sa couverture
Aucune considération purement esthétique ici, mais plutôt des choses à ne pas oublier lorsqu’on réalise une couverture. Évidemment, ce ne sont pas des règles strictes, ce sont juste des remarques qu’il tient à vous de prendre en compte ou non.
- votre couverture sera vue sous forme de miniature la plupart du temps, il faut donc la penser pour qu’elle soit lisible dans ce format (moins de 200 pixels de haut). Au revoir les couvertures ultra-détaillées, mélasses, etc.
- votre couverture sera vue en couleur ET en niveaux de gris. Il faut donc veiller à ce qu’elle reste « lisible » une fois convertie en niveaux de gris (la plupart des écrans en gèrent 16). Autrement dit, au revoir les très subtiles nuances de couleurs, etc.
- pour le titre et le nom d’auteur, il y a plusieurs « écoles ». La première, très répandue, rend ces deux éléments visibles en les agrandissant suffisamment (taille de police élevée). La deuxième, très expérimentale, enlève complètement ces deux éléments puisqu’ils seront visibles à côté de la couverture sur la page produit du revendeur. Cela peut marcher à condition que votre couverture soit géniale d’un point de vue graphique et que le titre de votre livre ne soit pas coupé car trop long… Beaucoup de gens ont tendance à ne pas regarder les descriptions des livres, y compris leur titre, quand ils furètent dans la boutique. Il faut donc attirer leur attention avec une couverture qui sort de l’ordinaire, ce que peu savent faire.
Lien utile : The Book Designer (anglais)
5) Doubler la table des matières d’un roman
Seul votre livre Kindle doit comporter une table des matières intégrée au livre. Pour ePUB, un fichier spécial toc.ncx s’en occupe ; il ne sert donc à rien de faire une table des matières dans le livre sauf cas particulier (table des matières spécifique, carte, non-fiction, etc.).
6) Ajouter son catalogue de livres à la fin… sans faire de liens
Quel intérêt ? Entre cliquer sur le titre de vos autres romans pour directement y accéder et taper du doigt, le maintenir, glisser pour le sélectionner en entier, copier, sortir de l’application, ouvrir le navigateur, coller dans le champ de recherches et cliquer sur le lien (qui aurait pu être directement intégré au titre par vos soins), vous pensez que le lecteur préférera quoi ? En fait, il ne se donnera même pas la peine d’envisager la deuxième solution…
7) En rajouter à mort dans sa biographie
Pas la peine d’en faire trop, nous sommes tous des trous du cul à l’échelle de l’univers. En début de bouquin, les gens refermeront le livre. En fin de bouquin, vous passerez pour arrogant.
8) Choisir un super mauvais titre
Il est toujours difficile de choisir un titre. Pour la non-fiction, ça peut réellement devenir un gros problème dans le sens où le titre que vous choisissez pourrait ne pas correspondre au sujet traité. D’autres, au contraire, décident de tout foutre dans le titre, qui devient tellement long qu’il finit par être coupé en deux : titre + sous-titre.
Ne vous dites pas que vous êtes sûrs de ne pas vous planter, il y a beaucoup de livres dans ce cas. Et je ne parle même pas des compilations d’articles qui auraient pu être publiés sur un blog, le tout titré « Guide de » alors que ce sont des essais…
Une lettrine est quelque chose de très bête quand on y pense.
Pourtant, il faut maîtriser HTML et CSS pour les intégrer dans un livre numérique…
9) Intégrer des trucs alors qu’on n’y comprend rien
Pour être honnête, je n’aurais pas inclus cette erreur il y a quelques semaines. Malheureusement, j’ai croisé ce cas de figure 3 ou 4 fois en un mois…
Certains se sentent véritablement limités par les conversions depuis traitement de texte et souhaitent créer une mise en page qui a de la gueule. Je ne suis évidemment pas contre puisque je milite pour ça personnellement. Mais là où ça devient problématique, c’est quand ces personnes piquent des bouts de code sans comprendre la logique du code derrière.
Ainsi (et je ne citerai pas de nom), j’ai découvert quelque chose de monstrueux il y a quelques semaines en tombant sur le code d’un EPUB qu’on m’a envoyé (il m’arrive de filer des coups de main ici et là) : toute une feuille de style CSS d’un livre a été reprise, collée à l’intérieur de l’EPUB fabriqué par l’auteur en question, simplement pour intégrer des lettrines, parce que ça ne marche pas avec un traitement de texte. Du coup, au lieu d’avoir quelque chose de propre avec du code uniquement pour la lettrine, on se retrouve avec des styles définis inline (directement dans les pages XHTML), un lien vers une CSS qui redéfinit ces styles… avec d’autres réglages… et des classes bien spéciales qui ne sont pas utilisées dans le livre. Vous ne voyez peut-être pas le problème vu que vous ne comprenez peut-être pas très bien le sujet, mais le résultat, c’est un fichier de mauvaise qualité.
Pour vulgariser ce que je viens de dire, exemple : Vous êtes un businessman multi-millionnaire super beau gosse qui doit partir en voyage d’affaires à Veracruz. Vous ne savez pas quoi foutre dans votre sac donc vous déléguez cette tâche à votre assistant (un stagiaire que vous ne payez évidemment pas sinon vous ne seriez pas riche). Il vous le prépare et vous n’avez rien à faire. Entre temps, vous remarquez que votre associé a préparé une cravate (et pas vous) qui le fera passer pour encore plus cool que vous auprès de [insérer nom de votre actrice mexicaine favorite]. Du coup, vous copiez bêtement le contenu de son sac tout en prenant le votre (celui préparé par le stagiaire qui ne sait pas faire un bon café). Vous vous retrouvez avec la même cravate mais vous avez deux sacs à trimballer, dont un qui contient des vêtements qui ne sont pas à votre taille et d’autres qui ne vous sont d’aucune utilité… vous voyez mieux ?
Si vous voulez intégrer des choses comme ça, alors il faut comprendre comment ça fonctionne. Si vous ne comprenez pas, vous demandez qu’on vous explique ou vous ne faites pas.
10) Publier quelque chose que vous n’achèteriez pas vous-même
Ne vous inquiétez pas, aucun jugement de valeur. Par cela, j’entends plutôt « des livres que vous seriez scandalisés de voir chez un revendeur parce que [insérer raison] ». Une nouvelle fois, c’est une tendance récente qui m’a poussé à intégrer cette erreur dans l’article : les livres iBooks (donc réalisés avec iBooks Author).
Le fait est qu’Apple se révèle parfois particulièrement emmerdant sur la validation des livres avant publication, ce qui ne semble bizarrement pas être le cas pour les fichiers gratuits réalisés avec l’application maison…
Ma dernière visite, centrée sur ces livres en particulier, m’a laissé quelque peu pantois —au point où je me demande s’ils ne feraient pas mieux de fournir des liens privés que l’auteur peut distribuer aux intéressés au lieu de foutre certains livres dans le catalogue et faire artificiellement gonfler le nombre de références disponibles dans iBookStore pour être celui qui pisse le plus loin. Je vous passe les détails mais dans bien des cas, on parle de livres de 2 ou 3 pages avec une galerie photo et… c’est tout. Il arrive même que l’auteur ne se soit pas embêté à changer la couverture du modèle utilisé. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt, sinon la satisfaction personnelle de se vanter d’être dispo sur iBookStore.
Malheureusement, il arrive aussi qu’on se retrouve dans le même cas avec des livres payants. Je ne m’étendrai pas plus là-dessus, vous avez compris le principe.
Poke the Box, example de couverture sans titre ni nom d’auteur. Pourtant, ça fonctionne !
Conclusion
Par fainéantise, ma conclusion sera ultra courte. Si vous voyez d’autres erreurs, vous pouvez les ajouter dans les commentaires. Merci.
Pingback : Formater un livre numérique | |
Pingback : Manifeste pour un (Vrai) Design du Livre Numérique | |
Pingback : Manifeste pour un (Vrai) Design du Livre Numérique | Le site de Jiminy Panoz