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Google Fonts, Fontsquirrel, DaFont, Open Font Library, The League of Moveable Type, 1001FreeFonts… Aujourd’hui, les sites qui permettent de récupérer des centaines de polices (libres et) gratuites ne manquent pas ; la difficulté réside plutôt dans le choix de polices soignées donc réellement utilisables.
Nous pourrions imaginer que les articles du type « best (free) fonts » accessibles en une simple recherche aident à sélectionner les bonnes polices mais ce n’est pas tout à fait le cas : on y croise souvent des polices très originales, qui invitent à un travail graphique, ou des polices qui ne proposent qu’un style Roman1.
Malheureusement, trouver de bonnes polices — une activité pour le moins chronophage — ne suffit pas ; c’est leur rendu d’affichage qui nous importe vraiment. Dans ce domaine, nous ne pouvons pas dire que nous sommes gâtés, les bogues de rendu étant suffisamment nombreux pour nous inciter à la prudence. Et puis il y a bien d’autres pièges dans lesquels nous pouvons tomber : les licences aux conditions pouvant parfois se révéler opaques, les langues supportées, la qualité du hinting 2, du lissage 3 et des approches, etc. Il n’y a pas vraiment de recette miracle à l’heure actuelle, la seule manière de s’en sortir est de tester les polices sur le maximum d’appareils… Alors comment s’organiser pour gérer au mieux les polices voire même gagner du temps ? Voici quelques éléments de réponse.
Une vraie problématique
Il est important d’insister sur le fait que les polices de caractères sont un sujet extrêmement délicat dans le domaine du livre et même de la publication numérique en général. De très nombreuses erreurs peuvent en effet être faites, par simple inattention ou par incompréhension, lors de la phase de design… mais aussi de conversion.
- Vouloir à tout prix utiliser la police utilisée pour la version imprimée, police non adaptée aux écrans donc à la lecture numérique
- Intégrer une police système en croyant que sa licence l’autorise, donc sans s’acquitter de la licence dédiée
- Ne pas suffisamment tester la police sur les appareils de lecture et constater qu’un gros bug de rendu rend le livre illisible sur certains appareils une fois le livre publié
Voilà un tout petit échantillon des faux pas que nous pouvons être amenés à commettre.
Si nous devons chercher et intégrer des polices, ce n’est pas forcément par choix. En effet, il arrive assez souvent que nous devions en intégrer pour un passage à la mise en pages spécifique (lettre manuscrite, carte de visite, bandeau télé, texte tapé à la machine à écrire, etc.) ou parce qu’il n’y a pas d’autre alternative (caractères spéciaux nombreux, identité graphique…).
Or, il faut admettre que les licences des polices utilisées pour l’imprimé ne facilitent pas leur intégration dans le livre numérique, que leur coût est quasiment toujours hors budget — de beaucoup — et que les polices disponibles sur les appareils de lecture ne permettent très souvent pas de nous en sortir, ce qui nous pousse fort logiquement à trouver des alternatives libres et gratuites.
Mais tout n’est pas bon à prendre dans le gigantesque catalogue de polices gratuites disponibles sur le web.
Avant le téléchargement
Avant même de télécharger une police, plusieurs choses sont à vérifier :
- le nom de la police ;
- l’usage permis par le designer (usage personnel, usage commercial, etc.) ;
- l’existence d’une licence ebook ;
- le support du français ;
- les styles disponibles (regular, italic, bold…) ;
- le format (OTF, TTF, TTC, WOFF…) ;
- le design global de la police en utilisant l’outil de prévisualisation du service web.
Cela n’a l’air de rien mais ces 6 choses ne prennent pas beaucoup de temps et peuvent en faire gagner énormément. Voyons cela plus en détail.
Le nom de la police
Cela peut paraître idiot mais le nom de la police est déjà un élément à vérifier. La raison est très simple à comprendre : le nom permet de deviner si vous êtes en train de télécharger une police payante piratée ou d’en télécharger une copie de beaucoup moins bonne qualité.
Admettons que vous trouviez Georgia en téléchargement gratuit. La police étant disponible sur Mac et PC, elle est forcément gratuite, non ? Eh bien non ! Pour l’intégrer dans votre livre numérique, il faut absolument vous acquitter d’une licence chez Linotype… Idem pour Arial, Tahoma, Times New Roman, Trebuchet, Verdana ou Wingdings. Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas le droit d’y faire référence dans notre feuille de styles CSS, la police pouvant être mise à disposition par le fabricant de liseuse ou le développeur de l’application de lecture.
La règle se veut donc simple : si vous trouvez une police système de Windows ou OS X en téléchargement gratuit, ce téléchargement sera vraisemblablement problématique au niveau légal.
L’usage
Qui n’a jamais téléchargé, sans trop y faire attention, une police dont seul l’usage personnel est autorisé et travaillé avec celle-ci pour finalement se rendre compte qu’elle ne pourra être utilisée dans le projet (commercial) sans contrepartie financière ? Que de temps perdu s’il n’est pas envisageable de payer la licence ou si la police ne peut tout simplement pas être intégrée au livre numérique, licence inexistante oblige…
La licence ebook
Encore trop rare il y a quelques mois, la licence ebook commence toutefois à se développer et de plus en plus de sites la proposent. On pourra par exemple citer FontSquirrel, qui permet de filtrer par type de licence, mais également d’autres sites, payants, comme FontSpring, FontShop ou Linotype.
Il faut bien comprendre que la licence ebook est une licence bien à part, elle n’est pas une licence web ou une licence PDF. Attention donc à ce petit détail pour éviter les grosses déboires.
Les licences ebook des polices commerciales sont généralement prévues pour un livre numérique et ses potentielles mises à jour. Il faudra donc la racheter pour un second, troisième, quatrième, etc. livre. Notons toutefois que des sites comme Fontfont proposent une licence « illimitée », App+, où les tarifs ne sont évidemment plus les mêmes (de 295 € pour le seul style roman à plus de 20 000 € pour une famille complète à la durée d’exploitation illimitée).
Sachez tout de même qu’un abonnement Typekit vous permettra d’intégrer certaines polices proposées par le service dans vos fichiers EPUB, Kindle Mobi et iBooks. Il faudra par contre réaliser un subset (basé sur la liste des caractères utilisés dans le fichier) et une obfuscation — ce que la plupart des services imposent quand vous achetez une licence ebook en réalité.
Attention, posséder une licence desktop n’autorise pas automatiquement l’intégration de la police dans un livre numérique. Très souvent, une licence supplémentaire/étendue, spécifique eBook, est requise.
Le support du français
Il peut sembler curieux que des sites renommés comme Google Fonts ou FontSquirrel, par exemple, proposent des polices qui ne supportent pas le français alors que des dizaines voire centaines de milliers de francophones utilisent leurs services au quotidien.
Dans la plupart des cas, ce sont les lettres accentuées qui manquent. Il est donc facile de vérifier que la police en dispose. Mais si nous prenons Vollkorn, une police extrêmement populaire, il est indiqué sur FontSquirrel qu’elle ne supporte pas le français puisqu’il lui manque le glyphe « œ ». Pourtant, une nouvelle version, supportant le français, est disponible sur le site officiel… il ne faudra donc pas hésiter à remonter à la source, le site officiel, pour télécharger la dernière version en date.
Là encore, il ne faudra pas perdre de temps à travailler avec une police qui ne supporte pas la langue de l’ouvrage et s’en rendre compte une fois que le projet est quasi bouclé.
Les styles disponibles
Un règle officieuse entre « typophiles » veut que la meilleure manière de sélectionner des polices de qualité sur Google Fonts est de filtrer par nombre de styles disponibles. Cela garantirait à 95 % que la police soit de suffisamment bonne qualité4.
Si l’astuce est à connaître, elle n’inspire évidemment pas le conseil à elle seule. Le fait est que nous avons besoin d’au moins deux styles pour le corps : roman et italique.5 Si la police ne dispose que du seul style roman, elle sera donc disqualifiée d’office — à moins de trouver une italique qui lui sied particulièrement bien.
Quant à l’oblique, qui n’est pas l’italique, nous ne pouvons réellement conseiller son utilisation puisqu’il n’est qu’une version qui se « penche bêtement » sur le sujet dans bien des cas. Dans la mesure où l’oblique ne s’affirme pas assez, il ne sera pas très utile de le laisser s’exprimer puisqu’il n’apportera pas grand-chose à la conversation — bien évidemment, c’est au designer du livre numérique que reviendra le dernier mot quant à l’oblique, celui-ci suffisant dans certains cas.
Le format
Là encore, un tout petit détail qui peut avoir de sérieuses répercussions…
Généralement disponibles au format OTF ou TTF, il peut arriver que nous devions convertir les polices dans l’un ou l’autre de ces deux formats, parce que la police n’est pas bien rendue sur certains appareils dans son format d’origine. Or, il se trouve que certaines licences interdisent toute modification, ce qui inclut une simple conversion.
Quant à la conversion du format TTC (TrueType Collection) vers le format TTF, elle n’est pas sans poser quelques problèmes. Autant donc éviter les complications.
La prévisualisation
Si l’on se rendra mieux compte de la qualité de la police téléchargée lors de son utilisation, les sites proposent des outils de prévisualisation qui vont au moins permettre de s’en faire une première idée. On pourra par exemple s’intéresser à la personnalité de la police, à l’épaisseur de son trait, à la qualité de ses approches et, plus globalement, en entrevoir sa lisibilité dans différentes tailles.
Cette étape n’est pas inutile dans le sens où elle permet de filtrer et de ne pas télécharger tout et n’importe quoi. S’il manque par exemple des lettres accentuées où des ligatures, nous le saurons en un coup d’œil, sans avoir à chercher dans le tableau des caractères de la police. Autant donc nous servir de cette fonctionnalité pour éviter les mauvaises surprises.
Après le téléchargement
Nous voila le panier bien rempli et… le travail ne ferait presque que commencer. Si le téléchargement de polices peut être perçu comme une activité ludique, ce qui va suivre relève pour certains de la corvée. Bien organisé, le designer pourra pourtant gagner un temps précieux à effectuer ces 5 travaux plus ou moins herculéens :
- vérifier la licence des polices téléchargées ;
- cataloguer les polices ;
- prévoir un font-stack ;
- marier les polices ;
- préparer le subset français.
Cette liste constitue une sorte d’idéal à atteindre — si possible —, certaines étapes (font-stack, mariage, subset) pouvant très bien être effectuées lors de la production du livre numérique.
Les licences
Parce que c’est vraiment hyper important et parce qu’il y a des choses à bien comprendre, reparlons des licences.
Il n’y a rien de plus complexe et ennuyeux que les licences de polices de caractères, très souvent rédigées en anglais et toujours remplies de termes techniques, qui ne sont en outre pas adaptées au livre numérique. C’est pourtant un passage quelque peu obligé pour éviter d’éventuels problèmes.
Si les polices disponibles sur Google Fonts et FontSquirrel ne posent globalement pas de souci, il en va tout autrement dans le cas où vous téléchargeriez ou achèteriez des polices sur d’autres sites. La licence ebook n’étant pas encore systématique, cela signifie que vous devrez parfois directement contacter le designer ou la fonderie pour demander l’autorisation d’intégrer la police dans votre livre numérique.
Note importante, les conditions d’intégration dans un fichier PDF ou sur un site web ne s’appliquent pas au livre numérique. Ne faites donc pas l’erreur de baser votre utilisation sur ces deux « formats » : vous pourriez risquer gros.
Attention : sachez que si vous intégrez une police système à l’aide d’un convertisseur, par exemple, même pour votre seul usage personnel, vous ne respectez probablement pas les conditions de la licence de ces polices ; vous les enfreignez.
Cataloguer
Des archives de polices dans un dossier, ce n’est pas ce que l’on peut appeler une organisation optimale. Si le livre des polices OS X pourra convenir pour un catalogue restreint et un usage basique, il faudra réfléchir à investir dans un logiciel de gestion de polices à mesure que les fontes s’entassent dans votre espace de stockage.
Il existe de nombreux logiciels, gratuits ou payants, connus (Suitcase Fusion, Font Explorer) et moins connus (MainType, FontViewer). À vous de faire votre choix en testant les versions de démonstration.
Et tant que nous y sommes, pourquoi ne pas oublier le catalogage par catégorie (Sans, Serif, Display, Script…) et privilégier celui par personnalité (traditionnelle, neutre, décontractée, autoritaire, élégante, classique…), par époque ou par designer, ce qui pourrait très largement vous aider à l’heure de créer une identité graphique ?
Polices de secours
Bien que le problème ne se pose que très rarement, les polices étant intégrées directement dans le fichier, il peut arriver que les polices ne soient pas affichées (non-support, polices corrompues, etc.). Il nous faut donc prévoir un font-stack, ou une liste de polices de secours, pour gérer ce cas au mieux. Dans la feuille de styles, cela se traduit par :
font-family: "Alegreya Serif", Georgia, Serif;
Si l’on peut raisonnablement se baser sur les polices web-safe, il ne faut pas pour autant faire l’erreur de les considérer comme des références. En effet, le concept web-safe est mort et enterré avec les appareils mobiles.
Et il n’existe malheureusement pas encore — nous y travaillons — de font-stacks ebook à l’épreuve des balles. Et puisqu’il n’existe pas de police ebook-safe, c’est-à-dire disponible sur quasiment toutes les solutions de lecture, il faudra effectuer quelques recherches de manière régulière afin de lister les polices proposées dans les différentes solutions de lecture — au moins les plus populaires. En contrepartie, cela permettra de créer une composition typographique soignée sans en passer par l’intégration de polices.
Pour composer vos font-stacks, attention à la hauteur d’x et à la chasse. Arial et Verdana, par exemple, ne devraient pas se retrouver dans le même font-stack puisque leur chasse (largeur) est trop différente. Au contraire, Baskerville et Times New Roman correspondent bien sur ces points. Oublions par contre la personnalité ou l’époque, nous ne pouvons nous permettre ce luxe pour le moment.
Les deux font la paire
Combiner des polices peut demander beaucoup de temps puisque l’exercice requiert une certaine maîtrise de la typographie. Aussi, préparer des combinaisons de polices qui fonctionnent bien ensemble (titre + corps) permet de se libérer de la contrainte de temps (« il faut sortir le livre le… »). Au risque d’insérer une phrase bateau dans ce billet, rappelons simplement qu’il est bien plus facile d’expérimenter lorsqu’on a du temps à y consacrer.
De nombreux sites proposent des pairings, notamment Google Web Fonts. Si cela peut servir d’inspiration, n’oublions pas que ces pairings sont pensés pour le web et non pas le livre. Il faut donc garder l’esprit critique et ne pas les prendre pour argent comptant — corps du texte notamment.
Alléger
Certaines polices, supportant un nombre conséquent de langues, pèsent beaucoup, ce qui alourdira d’autant le livre numérique. Heureusement, il existe une énorme astuce, le subsetting, qui consiste à ne conserver que les caractères nécessaires à la langue utilisée dans l’ouvrage. Par exemple, FontSquirrel propose un outil qui permet de le faire en ligne6 (il faudra passer en mode expert).
S’il n’est pas nécessaire de le faire pour toutes les polices dont vous disposez, cela peut être une bonne idée de préparer le subset français pour celles que vous utilisez le plus souvent.
Attention toutefois, le subsetting étant une modification, il faudra vérifier la licence des polices que vous souhaitez alléger pour vous assurer que vous avez le droit de le faire.
Intégrer
Des polices bien choisies, soigneusement cataloguées et préparées. Il ne reste donc plus qu’à les intégrer dans le livre numérique… et vérifier que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes — le rendu !
Pour ce faire, trois principes :
- corps = body ;
- protéger ce qui doit l’être ;
- tester encore et encore.
Corps = body
Dans le domaine du livre numérique, l’éditeur, le designer et l’auteur proposent, le lecteur dispose. C’est particulièrement vrai pour la typographie puisque le lecteur va pouvoir en modifier la composition en quelques taps sur l’écran. Par conséquent, nous ne devrions pas lui « interdire », même involontairement, de modifier la police de caractères du corps.
Une police de corps n’est pas à proprement parler une police de paragraphe, d’article ou de citation. Il ne faut donc pas indiquer la police pour tous les éléments de la feuille de styles mais seulement pour le corps du texte body
— sauf, bien évidemment, si la police doit être appliquée à un élément en particulier, auquel cas on en passera par le plus souvent par .classe
. Ce qui donne :
body {
font-family: "Alegreya Serif", Georgia, Serif;
}
Cela garantit, dans la plupart des cas7, que le lecteur pourra modifier la police de caractères s’il le souhaite.
Faites de même pour p
, blockquote
, div
ou li
et vous obtenez une très mauvaise expérience utilisateur–lecteur : celui-ci ne pourra plus modifier la police de caractères utilisée dans un nombre conséquent de solutions de lecture.
Évidemment, pour les titres, pour peu que ceux-ci disposent d’une police particulière, nous ne l’indiquerons que pour h1
, h2
… h6
. Le lecteur ne pourra souvent pas la modifier, raison pour laquelle il faut bien préparer ses polices de secours et combinaisons de polices.
body {
font-family: "Alegreya Serif", Georgia, Serif;
}
h1, h2, h3 {
font-family: "Alegreya Sans", Helvetica, Sans-serif;
}
Protéger
Il arrive parfois que nous devions protéger les polices à la demande du designer ou de la fonderie. En effet, puisqu’il suffit de dézipper un fichier EPUB pour en récupérer le contenu, il devient très facile de récupérer des polices qui ont été licenciées par l’éditeur et de les utiliser illégalement. L’éditeur doit donc faire appel à l’obfuscation8.
Il existe deux méthodes d’obfuscation EPUB :
- la méthode Adobe ;
- la méthode IDPF.
La méthode Adobe, si elle fonctionne sur l’essentiel des solutions de lecture, celles-ci utilisant le kit de développement Adobe Reader Mobile, a pour défaut de ne pas être prise en compte par d’autres, Apple notamment.
La méthode IDPF, qui s’est peu à peu imposée comme standard puisque supportée par quasi tout les acteurs de l’écosystème, a pour défaut de ne pas être supportée par les anciennes liseuses et applications qui n’utilisent pas un RMSDK Adobe à jour. C’est cette méthode qui est donc à conseiller — c’est un moindre mal.
Pas de panique cependant. Si la méthode d’obfuscation n’est pas supportée par une solution, le fichier restera tout à fait lisible mais les polices intégrées ne seront simplement pas prises en compte. Une autre bonne raison de préparer des polices de secours.
Quant à Kindle, sachez que les polices passeront automatiquement par le processus d’obfuscation, qu’elles soient libres ou non, lors de la conversion du fichier. Pour l’anecdote, sachez que vous ne devez pas intégrer la police Charis SIL — ce que faisait systématiquement Penguin, soit dit en passant.
Tester
Dernière étape, mais non la moindre : le test du fichier sur le maximum d’appareils possible.
Le support des polices intégrées étant ce qu’il est, il ne faut surtout pas imaginer que si la police est bien rendue sur un modèle de liseuse, elle le sera également sur un autre, et ce même si elles partagent le Reader Mobile d’Adobe. Autrement dit, c’est un travail de longue haleine qui vous attend.
Dans l’idéal, il serait même fortement avisé de confectionner un petit catalogue de polices dans les formats EPUB et KF8 afin de pouvoir juger le rendu sur les différents appareils dont vous disposez. Cela permettra une nouvelle fois de gagner un peu de temps. À vous également de noter les polices qui fonctionnent bien et de les conserver bien à part, un peu comme des « polices de sécurité » dont nous savons qu’elles ne poseront pas de problème particulier.
D’expérience, nous pouvons tout de même souligner que le format TTF pose en général le moins de problèmes de rendu sur les différents appareils, liseuses et solutions kindle en particulier. Attention toutefois au style Light, très à la mode en ce moment mais qui pose des problèmes de lisibilité et de confort certains quand il est utilisé pour des textes longs. Sur le web, les fontes Light sont en effet trop souvent privilégiées pour des raisons esthétiques, la lisibilité passant au second plan.
Et n’oublions surtout pas de vérifier sur Windows et MAC (sans oublier Linux) puisque la différence de rendu peut être frappante, des technologies différentes étant utilisées. Ainsi, certaines polices disponibles sur Google Fonts peuvent avoir un rendu catastrophique sur Windows sans que nous ne nous en apercevions si nous travaillons sur MAC.
Remarques complémentaires
Dans l’objectif d’être le plus complet possible, nous nous devons d’aborder quelques points très importants. Ils peuvent en effet se révéler très utiles au quotidien.
Couvertures
Si nous n’avons pas encore abordé le cas des couvertures — et, par extension, des compositions graphiques intégrées à l’aide d’images —, c’est parce que cet article se concentre sur l’intégration des fontes, donc des fichiers OTF, TTF, etc. Pour autant, la couverture étant un élément important du livre, il convient d’en discuter.
Le fait est que si vous utilisez une police système Windows ou OS X, ou si vous disposez d’une licence desktop pour une police commerciale, l’utiliser pour concevoir une couverture ne devrait pas poser de souci particulier, cet usage étant généralement autorisé — vérifier ne fera pas de mal. Cela pose en effet beaucoup moins de problèmes, notamment en ce qui concerne le « piratage », puisque les fontes (les fichiers informatiques) ne pourront pas être récupérées dans le fichier JPEG, PNG ou GIF.
eText
La collection eText de Monotype rassemble des polices qui ont été repensées pour l’écran, y compris les écrans eInk. Le hinting a été revu pour éviter un rendu flou, les proportions ont été ajustées pour offrir un plus grand contraste et l’espace entre les lettres a été augmenté pour éviter que celles-ci ne donnent l’impression d’entrer en collision dans les plus petites tailles. Toutes ces modifications permettent une plus grande lisibilité, les polices étant dès lors adaptées à la lecture sur écran.
Aussi, il n’est pas surprenant de constater que les constructeurs de liseuses ont sélectionné ces polices eText. Sachez donc que les polices Baskerville, Palatino, Malabar, Amasis et Caecilia présentes sur les liseuses (et quelques apps) utilisent cette variante eText.
Styles manquants
Il convient de noter que certains styles des polices installées sur les appareils de lecture ne sont pas forcément disponibles. C’est d’ailleurs souvent le cas pour les polices sans-serif, où l’italique n’est pas installée et est parfois remplacé par le gras. Par conséquent, il faudra faire très attention lors du choix d’une police pour le corps du texte, a fortiori si le texte comporte un nombre significatif de mots ou de passages en italiques.
iBooks
Le cas d’iBooks devient de plus en plus particulier. En effet, si l’app permet d’utiliser les polices du système d’exploitation (iOS et OS X), la nouvelle version, iBooks 4, présente une particularité pour le moins mystérieuse : des polices dans le nuage.
Athelas, Charter et Seravek sont concernées et il semble qu’il ne soit pas encore possible de les appeler via la propriété font-family
dans la feuille de styles CSS du fichier EPUB.
De fait, nous pouvons deviner qu’iBooks 4, maintenant pré-installé dans iOS, utilise une fonctionnalité de téléchargement de polices qui ne sont pas installées par défaut, une option mise en place pour les développeurs d’apps depuis iOS6. Cf. cette page de support Apple, notamment le deuxième tableau.
Nous ne savons malheureusement pas pour le moment comment faire en sorte de télécharger des polices de cette liste lors de l’ouverture du fichier EPUB, en cas de besoin.
Message d’avertissement
Le support d’unicode étant ce qu’il est (seule la version 2 peut prétendre à être plus ou moins supportée), l’intégration d’une police est aujourd’hui le seul réel moyen d’afficher des caractères spéciaux.
Certains revendeurs en sont bien conscients, comme Kobo par exemple, et sont amenés à donner quelques conseils dans leur documentation :
When a user selects an available default font, Kobo reading platforms may not correctly render all glyphs within the script. So Content containing glyphs not present in Kobo’s default apps should be tested across platforms. Creators may want to embed a font that contains the glyphs used in their content to ensure it renders correctly.
Some glyphs do not render on most fonts. In cases where creators are unable to supply embedded fonts they can insert a note into the front matter of their content instructing users to select the font Georgia. It correctly renders the greatest set of scripts.
Comme nous pouvons le constater, Kobo nous invite même à glisser un message d’avertissement au début du livre dans le cas où une police ne pourrait être intégrée au fichier EPUB. Je serais personnellement tenté d’appliquer ce conseil si une police est intégrée et que sa substitution par une police de caractères installée sur l’appareil résulterait dans un grand nombre de glyphes non affichés.
Il peut ici paraître paradoxal d’imposer « par l’avertissement » alors que l’un des grands avantages du livre numérique est de permettre au lecteur de sélectionner la police de son choix mais, malheureusement, nous devons encore faire avec un support beaucoup trop partiel des caractères spéciaux (polices choisies par le constructeur qui ne couvrent pas ce besoin, support unicode globalement lamentable, etc.).
L’Ampersand Hack
Ces dernières années, la grande mode en matière de typographie web consiste à soigner les esperluettes (&) dans les titres, donc à utiliser une fonte telle que Baskerville Italic pour l’afficher. Bien évidemment, l’envie d’utiliser l’esperluette d’autres polices de caractères, disponibles sur les services web bien connus, s’est rapidement développée.
Différents hacks CSS ont ainsi été créés pour satisfaire à cette mode, notamment l’utilisation de la propriété unicode-range
lors de l’intégration d’une police à l’aide de @font-face
, ce qui donne quelque chose comme :
@font-face {
font-family: 'Ampersand';
src: local('Baskerville'), local('Palatino'), local('Book Antiqua');
unicode-range: U+26;
}
@font-face {
/* Ampersand fallback font, otherwise the Ampersand font family will be applied to all characters for unsupported browsers. */
font-family: 'Ampersand';
src: local('Arial');
unicode-range: U+270C;
}
h1 {
font-family: Ampersand, Arial, sans-serif;
}
Dans la mesure où unicode-range
fait partie des spécifications CSS3, n’utilisez surtout pas ce hack puisqu’il n’est pas sans poser d’importants problèmes de rétrocompatibilité EPUB2 (ce hack pose en effet problème avec le RMSDK Adobe).
Un mot sur Open Dyslexic
Si nous ne pouvons que louer l’existence de cette police libre pensée pour les lecteurs dyslexiques, il faut toutefois souligner qu’elle ne doit pas être un choix automatique lors de la confection de livres numériques adaptés à ce trouble de la lecture. Elle n’est en effet pas la réponse à apporter pour tous les lecteurs dans cette situation.
Sans vouloir jeter l’opprobre sur le créateur de cette police, bien évidemment, il peut être intéressant d’inviter le lecteur de cet article à se pencher sur quelques retours critiques qui pourront lui démontrer qu’il ne faut surtout pas l’imposer.
- OpenDyslexic: ‘Does the new dyslexia font help?’ Review by teacher and students
- An Open Source Dyslexic Font
- Good Fonts for Dyslexia — An Experimental Study
- Does This Font Truly Help Dyslexic Readers to Read?
Comme nous pouvons rapidement le constater, la dyslexie, et nous pourrions très raisonnablement étendre le propos à l’accessibilité en général, est une problématique pour le moins complexe. Il n’y a pas réellement de recette miracle sinon celle que de permettre au lecteur d’opérer ses propres choix9.
Nous nous permettrons également de rappeler que la dyslexie ne se règle pas en un coup de police magique, bien d’autres choses sont à prévoir si l’on cherche vraiment à adapter la publication pour ce trouble de la lecture. Voir ce guide par exemple.
Polices en image
Créons une nouvelle bonne pratique de design : il ne faut jamais intégrer de police en image dans le contenu texte. Cela concerne donc les titres ou des mots en plein milieu d’un paragraphe.
Explication… en image.
Comme nous pouvons le voir, cela provoque une très mauvaise expérience utilisateur en mode nuit, les images à fond blanc restant des images à fond blanc ; les mots en image deviennent alors des parasites à l’écran et le fichier semble tout à coup « bas de gamme », réalisé à l’économie. Nous pouvons également remarquer que ce l’alignement des mots en image sur la ligne de base est fautif. Enfin, certains lecteurs d’écran ne prendront pas en compte le texte alternatif de ces images ; il y aura donc des mots manquant dans les phrases prononcées, ce qui les rendra incompréhensibles.
Besoin d’une police ? Intégrez-la. N’en faites surtout pas une image pour contourner la licence ou les limitations techniques de certaines apps.
Liste de polices adaptées
S’il est difficile de fournir une liste complète, au moins pouvons-nous proposer une liste de polices qui permettront de partir sur des bases solides.
- Andada (avec fontes small-caps).
- Averia (si vous cherchez du old school).
- Bitter (alternative slab à Caecilia).
- Charter (et Charis SIL,10 qui en est dérivé).
- Clear Sans.
- Déjà Vu (super-famille).
- Droid Serif (la police à empattements d’Android).
- Fira Sans (qui nous vient d’Erik Spiekermann).
- Heuristica (méconnue mais basée sur Adobe Utopia).
- Lato (un désormais grand classique).
- Les polices League of Moveable Type en général.
- Libre Baskerville (Baskerville « avec un twist »).
- Mate (dispo small caps).
- Merriweather (super-famille).
- Noticia Text (méconnue).
- Open Sans.
- Permian (super-famille).
- PT (super-famille)
- Roboto (la « Frankenfont » de Google qui s’améliore de version en version).
- Rosario (une sans-serif inspirée par l’écriture manuscrite).
- Source Pro (super-famille).
- Tinos (ses proportions sont basées sur Times New Roman).
- Volkhov.
- Vollkorn (qui mérite donation).
La liste n’est pas exhaustive mais ce sont des polices pour lequel je peux constater, d’expérience, qu’elles ne posent pas de problème particulier et se présentent comme des « garanties » pour le livre numérique.
Conclusion
Que d’efforts et d’attentions pour choisir et intégrer des polices dans un livre numérique !
S’il est tout à fait possible de s’en passer et de travailler avec les polices systèmes offertes par les différentes solutions de lecture11, il n’est possible de faire autrement dans certains cas : langues étrangères qui nécessitent des glyphes bien spécifiques, identité graphique de certaines publications — au moins pour les titres —, magazines, mises en pages complexes, etc.
Il faut être bien préparé pour éviter de perdre du temps. J’espère donc que ces petits conseils vous permettront d’en gagner un peu. N’hésitez d’ailleurs pas à rajouter les vôtres dans les commentaires.
- Disons le clairement : celui qui conseille une police au seul style Roman pour le corps du texte conseille probablement mal. Si l’italique est « émulée » sur navigateur web la plupart du temps — ce qui est déjà un mal en soi dans bien des situations —, ce n’est pas le cas pour le livre numérique… ↩
- Des indices sur la meilleure manière de placer les pixels pour que les caractères soient plus lisibles à l’écran. ↩
- On utilise la palette de gris pour les transitions et plus seulement le noir et le blanc ↩
- On pourra citer Open Sans, Source Sans Pro, Alegreya ou Lato. ↩
- On pourra en effet très bien appliquer une graisse normale aux titres si aucun style bold n’est disponible. ↩
- L’outil peut également vous permettre de corriger une police aux approches déficientes. ↩
- Comprendre « les solutions de lecture qui ne sont pas simplement médiocres parce que leur base est mauvaise et qu’on préfère leur rajouter des choses à l’arrache plutôt que de les faire correctement ». ↩
- Qui n’est pas synonyme de DRM. ↩
- Il est en ce sens assez incompréhensible que le support des feuilles de styles alternatives, qui font partie des spécifications EPUB, soit quasiment inexistant dans l’écosystème du livre numérique. Voir aussi No user-provided CSS is a stupid CSS. ↩
- À noter que cette dernière police sera automatiquement remplacée lors de la conversion Kindle. ↩
- Toutes les polices sélectionnées par les fabricants ne sont pour autant bonnes à prendre puisqu’elles sont parfois trop fines pour offrir un bon contraste sur écran eInk ou, plus simplement, pas du tout pensées pour être utilisées comme polices de corps par exemple. Certains utilisateurs aguerris n’hésitent d’ailleurs pas à installer leurs polices préférées sur leur liseuse. ↩
Merci +++ ! Détaillé, très clair et utile, what else ? 😉
Merci beaucoup. Je suis actuellement en formation et j’apprends à faire des epub, et vos conseils sont vraiment très précieux.
Magnifique site ! Et que dire du contenu ! Je suis fan !
Coucou, je cherche une police pour les dyslexiques, à télécharger - sans diplôme d’informaticien - sur une PocketBook et je ne sais pas comment chercher, donc je ne trouve pas.
Un peu d’aide ?
Merci
Bonjour,
On me fait signe que les dernières versions logicielles embarquent la police Open Dyslexic → https://twitter.com/TEA_ebook/status/772786675156148224
Pour installer d’autres polices, il y a ce tutoriel → http://aldus2006.typepad.fr/mon_weblog/2014/03/pocketbook-importer-des-polices-de-caractères-supplémentaires.html
Bonjour,
J’ai écris un livre qui présente des milliers d’analyses de textes anciens de 1400 à 1930, c’est pas du tout sopo car c’est la vie donc souvent assez comique.
Je prévois d’utiliser la police Baskerville que je trouve vraiment élégante.
Ci-dessus vous parlez de Libre Baskerville (Baskerville « avec un twist »).
C’est quoi ce twist ???
Merci d’avance
Elle a été directement conçue pour le rendu sur écran → plus grande hauteur d’oeil, hinting, formes un chouïa simplifiées, etc.
Ce qui fait un gros changement par rapport à l’originale, franchement pénible à lire sur certains appareils (en tout cas pour moi).