Tout d’abord, il est important de souligner que ce blogpost a été publié par mon éditeur, Walrus, et je les remercie de la tribune qu’ils m’ont offerte. Vous trouverez cette publication ici. N’hésitez pas à fouiller leur site, vous y trouverez pas mal de choses intéressantes.
L’e-Book est une révolution en puissance. Nous n’osons malheureusement pas la faire, cette révolution. Enfin, disons que certains essayent, mais pas avec les bons livres…
S’il apparaît quasiment normal d’enrichir les livres techniques et de « non-fiction », très peu sont capables d’imaginer casser les codes traditionnels de la narration pour utiliser les possibilités techniques que l’e-Book met à portée de clic.
Aujourd’hui, les auteurs et éditeurs s’évertuent à convertir des livres existants. D’autres vont payer des fortunes pour « enrichir » un livre et le publier en tant qu’application. Ils font fausse route : pourquoi les lecteurs iraient-ils payer aussi cher (voire plus) pour une simple transcription électronique ? Pourquoi dépenser des sommes astronomiques, en développement, pour poser des animations sur certains passages — animations qui ne raviront guère que les chats daignant poser leur patte sur l’iPad de leur maître ?
Une fois de plus, nous tergiversons devant l’irrémédiable numérique. Les artistes des sixties et seventies, eux, n’auraient pas hésité un instant. Nous n’avons pas perdu toute créativité, certes, mais nous la consacrons à des détails insignifiants.
Aujourd’hui, il nous est très facile d’ajouter des vidéos, de l’audio, des images à nos œuvres. Certains iront me dire que cela coûte de l’argent, je leur répondrais que des réalisateurs ont tourné des films cultes pour une poignée de dollars, que des milliers de musiciens produisent des albums pour quasiment rien, et que des illustrateurs de talent seront ravis de voir leur dessins choisis et leur travail récompensé. Evidemment, la débrouille demande du courage et de l’investissement personnel.
Certains m’opposeront alors que d’ajouter ce genre de chose n’est qu’un cache-misère, un artifice pour voiler la pauvreté des mots. A bien des égards, ils pourraient avoir raison. Comme partout ailleurs, il faut manœuvrer avec parcimonie.
Imaginons qu’un chapitre repose sur un dialogue, sur la percussion, sur le rythme de celui-ci. Pourquoi s’interdire de le filmer pour le rendre au mieux ? Un chapitre filmé peut immerger le lecteur dans l’histoire, bâtir un rythme de narration fabuleux et offrir une valeur ajoutée sans commune mesure. Qui plus est, je trouve toujours les dialogues de livres mal écrits… à l’écran, pourtant, ils peuvent rendre leur sublime.
Et que faire de ces descriptions, souvent longues et maladroites, que le lecteur aura à relire une deuxième fois pour comprendre réellement ce que l’auteur lui explique ? Ne pourrions-nous pas lui offrir une visualisation directe à l’aide d’une illustration ? Cela fonctionne pour les affiches de films, les publicités, les personnages, les voitures et tant d’autres choses encore.
Un message radio retranscrit dans un roman ? Pourquoi ne pas l’enregistrer, l’enrober d’un vrai-faux jingle ? Voilà bien ce que des mots ne pourront jamais prétendre rendre aussi bien.
Jusqu’ici, les auteurs étaient limités par le papier. Au bout du compte, ils devaient retranscrire des choses au mieux. Maintenant, ils peuvent bâtir un univers simplement, sans empiéter sur les mots qu’ils s’évertuent à accoler dans leur style particulier. Il me semble que la pauvreté, ici, s’applique aux retranscriptions qui limitent la créativité de l’auteur. Le livre numérique lui permet d’exploser tous les carcans et d’explorer de nouvelles voies !
La débrouille, encore une fois. L’écrivain sans le sou (souvent auto-publié) pourra très bien prendre contact avec des gens, à l’autre bout du monde, pour enrichir son livre. Internet le permet, pourquoi s’évertuer à cloisonner son esprit ? Il est très facile de dénicher des talents et de partager nos compétences. Profitons-en !
Laissez-moi prêcher pour ma paroisse l’espace d’un instant. Walrus, mon éditeur, s’est déjà engagé dans cette voie. « Je suis Rage », leur première édition, explore ces nouveaux usages et le résultat est appétissant. La couverture vidéo plonge le lecteur dans l’univers de l’auteur. Mieux encore, son travail tout entier est présenté : passages avant réécriture, scans de son cahier de travail, fins alternatives, etc. Cela ne paraît pas grand-chose de prime abord, mais ce sont des choses qui rendent justice au travail d’écrivain, qui rendent justice au lecteur qui accepte de payer au lieu de télécharger illégalement.
A bien des égards, le livre numérique permet une révolution que la dématérialisation de la musique et du cinéma ne pouvait pas permettre. Il nous suffit simplement d’accepter de repartir d’une feuille blanche et d’être inventifs.
Le livre numérique est une nouvelle terre, un espace de découverte. A nous de choisir : voulons-nous y poser nos sempiternels buildings archaïques ou voulons-nous prendre en considération les spécificités de ce nouvel environnement ?